Redécouvert lors des recherches menées dans le cadre du Guide d’architecture moderne et contemporaine Liège 1895-2014, le travail de Nicolas Simon fait pour la première fois l’objet d’une exposition. Outre la présentation d’une sélection de documents d’archives confiés par l’architecte au GAR en 2015, le projet a permis de mettre en lumière le travail de Romain Delathuy, jeune photographe spécialisé dans l’architecture.
La formation
En 1950, Nicolas Simon entre à l’École Saint-Luc de Liège pour commencer sa formation en architecture. Puisant son inspiration dans la presse spécialisée, il est marqué par les travaux de Le Corbusier. La ligne que l’on retrouve dans ses premiers projets témoigne de l’ascendant que prend le Mouvement moderne sur l’étudiant. L’architecte affectionne l’enduit blanc (maison de campagne en 2ème année) comme la ligne claire (usine-fonderie en 4ème année) tout en y ajoutant quelques notes sensibles. En 1955, peu avant la fin de ses études, Nicolas Simon se lance avec Lucien Nahan sur les routes de France pour une «aventure moderniste». Ils se rendent d’abord à Paris et visitent l’atelier de Le Corbusier où il rencontrent son bras droit André Wogenscky. Dans la Ville Lumière, ils découvrent également l’immeuble Molitor, la Cité universitaire du Brésil, le Pavillon suisse et la Cité refuge de l’Armée du salut. Les deux étudiants mettent ensuite le cap vers l’est pour voir la Chapelle Notre-Dame-du-Haut à Ronchamp puis se rendent à Saint-Dié où ils visitent la bonneterie Claude et Duval.
Les premières maisons
Alors qu’il est en 4ème année, Nicolas Simon rencontre l’architecte Lambert Jacquemin qui lui propose de dessiner sa maison. Éprise d’art et femme de son temps, Lucienne Jacquemin, épouse de l’architecte, souhaite une ligne pure et moderne. Elle connaît d’ailleurs la passion que nourrit Nicolas Simon pour l’architecture moderne et en particulier pour Le Corbusier. Pendant les vacances d’été de 1955, Simon propose un avant-projet qui sera rapidement accepté et légèrement remanié par les dessinateurs de l’atelier de Lambert Jacquemin. En parallèle, Nicolas Simon se consacre à la conception de la maison Dieu, à Slins. Comme la maison Jaquemin mais plus modeste, la maison Dieu propose une écriture moderne associant toiture plate et fenêtres en bandeaux. Les tracés régulateurs que Simon dessine sur la photographie témoignent, pour la première fois, des recherches qu’il mène sur la composition équilibrée. Sa vision d’une architecture « rationnelle » s’exprime encore en 1956 dans la maison Tuts qui repose sur un quadrillage de 9 modules identiques.
Les maisons corbuséennes
De décembre 1956 à juillet 1958, Simon effectue son service militaire à Tournai. Il y dispose d’une planche à dessin et conçoit la maison Vandeberg à Jupille qu’il termine en 1958 avec Lucien Nahan avec qui il vient de fonder l’agence UTAH. Les façades des maisons Vandeberg et Deflandre, dominées par un cimentage blanc, proposent une remarquable expressivité marquée tant par des éléments fonctionnels (pare-soleil) que décoratifs. Le dessin d’un coquillage, décomposé selon un tracé régulateur, est placé à l’entrée de la maison Vandeberg témoignant à nouveau des références mathématiques qu’affectionne Simon. On retrouve encore la même rigueur géométrique dans les maisons Knapen construites en 1960. La façade traduit d’emblée une recherche où horizontales et verticales se répondent subtilement ; l’impact graphique est fort tout comme la symétrie parfaite des deux entités.
Les maisons « japonaises »
En 1967, l’agence UTAH jouit d’une certaine notoriété. Les commandes de familles aisées se multiplient amenant Simon à se consacrer à des projets plus ambitieux. La maison Spits, dont la construction coïncide avec les débuts de la carrière d’enseignant, puis les maisons Verjus et Fourneaux présentent des traits communs évidents. L’architecte joue avec les façades pour créer des « promenades » périphériques. Les maisons se dévoilent, offrent différentes sensations. Simon y exprime son attachement à la culture japonaise en s’inspirant des toitures à quatre pans de type « Yosemune ». Celles-ci lui permettent notamment d’affirmer la notion de centralité chère à l’architecte. La rigueur du plan se marque par des colonnes qui servent également de repères dans le processus de « compréhension » de l’espace, un autre chemin intellectuel qu’affectionne Nicolas Simon.
Les dernières maisons
Avec les maisons réalisées à partir de la seconde moitié des années 1970, Nicolas Simon entre dans une dernière période, celle de la fin de carrière. Toujours actif à Saint-Luc qu’il quittera en 1996, Simon travaille désormais seul. La langage reste précis et calculé mais les références formelles se diversifient. Après être revenu à Le Corbusier avec la maison Van Spauwen 2, Simon propose des compositions plus robustes. La maison Bezzan avec ses solides contreforts est une sorte de refuge ancré dans un environnement naturel exceptionnel. Quant à a maison Pirotte, édifiée en « autoconstruction », elle conduit Simon à partager sa connaissance des matériaux nouveaux et leur mise en œuvre.
Les projets divers
Bien que spécialisé dans la conception d’habitations unifamiliales, Nicolas Simon a également l’occasion de s’essayer à des programmes variés. Dès la fin des années 1960, l’agence UTAH se voit confier la réalisation de plusieurs stations essence pour la société Fina. L’ « autocenter» du boulevard de Froidmont est le premier d’une série de bâtiments dédiés au service automobile dans toute la province de Liège.
Profitant des nombreux contacts que Lucien Nahan a noués avec le milieu jupillois, UTAH décroche des commandes importantes comme le projet prestigieux du siège social du brasseur Piedbœuf qui souhaite, à la veille de la sortie officielle de la marque emblématique Jupiler, réunir ses bureaux dans un complexe symbolisant le progrès et le succès.