La maison familiale
En 1959, Jean Englebert dessine sa maison qui doit constituer la synthèse de ses convictions architecturales. Le plan en L propose une organisation spatiale simple et efficace. Réservé au logement, le rez-de-chaussée s’articule autour d’un long couloir qui fait le lien entre les espaces diurnes à l’ouest et nocturnes au nord. À l’écart, l’atelier d’architecture est installé au sous-sol. Les aménagements témoignent d’une volonté d’améliorer la qualité des espaces. Englebert met en œuvre des solutions qui rappellent l’architecture navale. Ainsi les chambres fermées par des portes coulissantes se succèdent telles des cabines le long d’une coursive. Les espaces de vie se composent de la cuisine et du séjour ouvert sur l’extérieur. Magnifiée par un cadre en béton brut, une grande baie vitrée coulissante s’ouvre sur le jardin et inonde le salon d’une lumière matinale. En adoptant la toiture plate, les baies en bandeau et le souci de s’inscrire dans le contexte, Englebert adopte des caractéristiques que l’on retrouve dans plusieurs réalisations ultérieures. Remarquée par la critique et publiée dans plusieurs revues spécialisées, la maison reçoit une mention au prix Van de Ven en 1961.
Liège en l’an 2000
À peine diplômé ingénieur civil urbaniste, Jean Englebert se pose en rupture par rapport aux bouleversements urbains que connaît Liège dans les années 1960. Soutenue par Jean Lejeune, l’évolution de Liège passe par la promotion immobilière peu qualitative et par le « tout à l’automobile ». Englebert s’engage en 1962 au sein de la Jeune Chambre Économique et rejoint une commission spécialement dédiée à l’Avenir du centre urbain. En novembre 1964, le colloque Liège en l’an 2000 apparaît comme un véritable manifeste d’opposition à la politique déstructurante prônée par Jean Lejeune. Parmi une quinzaine de conférenciers, Jean Englebert aborde le cas liégeois en privilégiant une vision respectueuse du genius loci. Il utilise les voies ferrées existantes pour développer un réseau routier, autoroutier et de transports en commun qu’il couvre d’immeubles à appartements constitués de modules de logement industrialisés. Purement théoriques et souvent qualifiées d’utopiques, ces études, illustrées de dessins de ses collaborateurs, continuent de nourrir l’imaginaire d’artistes et d’architectes comme Fabien Denoël dont une œuvre est spécialement réalisée pour l’exposition.
Le Japon
Les recherches que mène Jean Englebert tant au sein du CRAU qu’à titre personnel laissent transparaître une fascination pour l’architecture japonaise. Marqué par le Mouvement métaboliste, Englebert est profondément impressionné par les réalisations de Kurokawa et Tange qu’il découvre d’abord dans la presse spécialisée. En 1970, avec le soutien de plusieurs entreprises de construction, il part avec ses étudiants à l’Exposition universelle d’Osaka et visite également Tokyo, Nagoya, Nara, Kyoto… « La ville était inimaginable pour nous. Je me souviens du futurisme des voies de circulation. Tous les matins, le métro aérien nous conduisait à l’Expo où j’ai vu des réalisations d’une modernité technique extraordinaire » raconte Jean Englebert. La collection de dias qu’il a rassemblée témoigne d’ailleurs de cette fascination pour le pays du Soleil-Levant. Avec le temps, les liens entre le professeur et le Japon ne cesseront de se renforcer. En 1991, il fonde le Centre d’Études japonaises de l’Université de Liège (CEJUL), puis, consécration ultime, reçoit de l’Empereur la décoration de l’Ordre du Trésor Sacré en 1995.
La maison européenne
Au début des années 1960, Jean Englebert entame sa réflexion sur l’industrialisation du logement c’est à dire « la fabrication complète en usine, selon des procédés permettant la série, d’un objet répondant à des besoins soigneusement étudiés et définis par des études socio-économiques en vue de sa commercialisation ». La maquette en plâtre qu’il présente pour le Concours de la Maison européenne organisé en 1963 dans le cadre de la Foire internationale de Gand constitue la première expression de ses recherches. Le projet repose sur la combinaison de modules autostables qui peuvent être assemblés plus ou moins librement et qui peuvent ainsi répondre à une multiplicité de programmes. La maquette est d’ailleurs livrée non montée afin d’offrir aux membres du jury la possibilité de « tester » les qualités du système.
Bien qu’il ne remporte qu’une mention au concours, le projet suscite la curiosité de la critique et est publié dans la revue L’Architecture d’aujourd’hui en 1966.
Les cabines SIB-CRAU
En 1968, le CRAU est chargé de concevoir des cabines de logement destinées à être entièrement fabriquées en usine. Soutenu par le Syndicat pour l’Industrialisation du Logement (SIB), le projet constitue une occasion exceptionnelle pour Jean Englebert de mettre en œuvre ses recherches sur la maison industrialisée. Les cabines sont composées de deux boucliers d’extrémité reliés par un plancher et un plafond, le tout en acier. Les parois sont constituées de « panneaux sandwiches » légers, solides et offrant de très bonnes performances d’isolation. Les dimensions d’une cabine (2,5 x 5,04 x 2,7 m) sont calculées sur base des gabarits du transport international. Une « demi-cabine » est également prévue pour accueillir le local technique. Sensible aux idées du Mouvement métaboliste, Jean Englebert imagine également des structures permettant d’empiler les cabines, envisageant ainsi une production de masse à l’échelle urbaine. En 1972, les prototypes sortent d’usine et sont installés sur un terrain des usines Cockerill à Chertal. Pour tester la qualité du confort domestique, une famille de quatre personnes s’y installe et note jour après jour ses impressions. Abandonné par le SIB, le projet ne connaitra pas de développement. Vidées de ses occupants, les cabines sont transformées en vestiaire pour une équipe de football puis finissent par disparaître dans l’indifférence générale.
Les maisons Patze
En 1963, Englebert rencontre Heini Patze et Johann Könings, deux menuisiers qui désirent lancer leur société et qui lui commandent la construction d’un atelier à Waimes. Englebert imagine un bâtiment reposant sur une structure en bois qui peut être auto-construite et à peu de frais. L’aventure ne s’arrête pas là. Patze et Englebert travaillent ensemble au perfectionnement du système constructif et mettent au point un système modulaire de maisons industrialisées qui se concrétise en 1968 par l’inauguration d’une première maison. Le système Patze vise la simplicité et l’efficacité. Vendue en kit, la maison se compose de pièces de bois standardisées qui composent des travées. Celles-ci peuvent être combinées à l’infini témoignant à nouveau d’une grande souplesse d’usage. Comme pour les cabines SIB-CRAU, Englebert attache un soin particulier aux performances énergétiques et à la qualité des équipements. Mais contrairement aux cabines, le système Patze laisse une grande liberté de conception aux clients. Si les travées sont standardisées, elles peuvent être disposées tous les 1,32 m selon une trame bidirectionnelle. En offrant aux clients une grande feuille quadrillée de la trame Patze, Englebert permet aux futurs occupants de s’approprier le projet en définissant eux-mêmes leur maison. Jusqu’en 1986, 37 maisons Patze sont construites pour des commanditaires issus de milieux variés. Car l’argument de la maison Patze n’est pas qu’économique. Le puissant degré de flexibilité, la maîtrise de la conception sont des éléments qui attirent une clientèle plus aisée. Le réseau d’Englebert y est encore pour quelque chose. Ainsi, en 1977, Englebert réalise une maison Patze pour René Grosjean alors administrateur de l’université.
L’urbanisme permutationnel intégré dans un dispositif pédagogique
Dans le cadre de l’atelier d’architecture encadré par Luan Nguyen et Iris Reuter, il a été proposé aux étudiants ingénieur civil architecte (Bac 3) de travailler sur la thématique de l’urbanisme permutationnel. Le projet se situe le long du quai Timmermans entre le viaduc d’Ougrée et le Val-Benoît en longeant des friches urbaines, des sites industriels et des commerces de grandes enseignes. Peu dense, cette zone consomme une grande superficie de terrain tandis que le tissu est morcelé par des espaces résiduels sous-exploités. Pourtant, malgré le manque de cohérence urbaine dans cette zone, celle-ci bénéficie d’un certain nombre d’atouts et d’opportunités relevés par Englebert : « le quai Timmermans, en plus d’être longé par la Meuse, est doté de belles vues panoramiques : on pourrait ainsi imaginer des structures de logements au bord de l’eau, avec des vues sur la colline du Sart-Tilman et sur l’ancien haut fourneau d’Ougrée, témoin de l’activité sidérurgique passée. Il me semble plus judicieux de développer des habitations au lieu de ces “boîtes” anarchiques liées à l’activité économique ». Il a donc été proposé aux étudiants, en concertation avec Jean Englebert, d’architecturer dans ce périmètre d’étude un programme dédié essentiellement aux logements.
L’atelier s’est articulé autour des thèmes suivants :
- concevoir une ossature pérenne simple et économique, dont l’objectif est de réaliser une forme urbaine sur le principe de l’urbanisme permutationnel ;
- en lien avec cette ossature, proposer un module d’habitation duplicable ;
- urbaniser les quais pour densifier le tissu tout en réduisant l’usage des ressources foncières ;
- rendre les bords de Meuse accessibles aux habitants de Liège et ainsi générer l’apparition de nouvelles activités publiques, culturelles ou sportives.